Accompagner : véritable défi de fraternité, sans craindre les découvertes

Avec Lourdes Cancer Espérance, ACCOMPAGNER “… véritable défi de fraternité, sans craindre les découvertes…”

  1. Redécouvrir et s’enraciner dans un juste rapport à la Bible…
    Berna, Peintre/théologienne

    Accepter de déplacer définitivement en soi telle ou telle fausse image biblique. Celle d’un Dieu si puissant qu’on finit par en avoir peur, d’un Dieu si haut et si lointain qu’on finit par le croire indifférent à certaines situations de nos vies, ou même culpabilisant face à ce qui nous arrive : c’est ce que j’appelle « la face nord de Dieu ». Et aborder enfin « la face sud », celle d’un Dieu accessible, proche, qui écoute et « prend soin » au point d’être l’Emmanuel, « Dieu avec nous » ! Elles sont nombreuses les situations Bibliques, y compris de l’Ancien Testament, où nous devons découvrir ou redécouvrir cela. Exode 34,6 ss. : « Dieu de tendresse et de pitié, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité, qui garde sa grâce à des milliers, tolère faute, transgression et péché… ». Isaïe 49, 14 ss. : « Dieu a consolé son peuple, il prend en pitié les affligés… J’avais dit : “ Dieu m’a abandonné, il m’a oublié“. Une femme oublie-t-elle son petit enfant ? Et même si ces femmes oubliaient, moi je ne t’oublierai pas. /…/ ». Jésus, enfin : il s’intéresse, il touche, il sait regarder, il nous connaît… comme si le secret, c’était d’abord le regard, la manière de regarder, et c’est souvent et d’abord un regard qui guérit ou réconcilie… Tout change quand on regarde quelqu’un d’une autre façon. Luc 7, 36-50 : Jésus déplace le regard de Simon, qui ne s’intéresse qu’à son Maître, pour l’orienter vers la femme pécheresse et l’éduquer à la miséricorde. Voilà l’authentique visage de la Bible. LCE s’est construit sur la manière d’accueillir des cris, des révoltes, des replis, des appels au secours, tous les appels !…, mais aussi sur la façon d’interroger ce regard que je pose sur la personne malade, cette attention, cette manière d’écouter, de dire…

  2. L’expérience du cancer apprend souvent une lente et paradoxale découverte de soi. Et ce chemin est nécessaire. Traverser personnellement une série de prises de conscience, d’événements, de rencontres, de découvertes intérieures, d’échecs, dont on a pu sortir… jusqu’à pouvoir dire : « Il m’a fallu du temps pour que je rencontre quelqu’un qui m’a accordé suffisamment de confiance pour que je puisse moi-même me faire confiance et prendre soin de moi ». C’est bien une découverte intérieure qui doit être faite, un processus intime, pour accéder à cette acceptation du « prendre soin de soi ». Face à la maladie, face au cancer, je ne peux pas mentir longtemps, ni aux autres, ni à moi-même. Savons-nous être attentifs à ce qu’il y a d’«expérience de vie » personnelle pour celui ou celle qui la vit et nous la partage ?
  3. Faire l’expérience d’une situation qui fragilise et n’enferme pas dans un statut… L’amour authentique n’est-il pas de se rapprocher de l’autre en vérité et donc en commençant par accepter ce qui le fragilise et engendre une différence ? C’est justement cela qui est grand ! C’est parce qu’il y a des gestes d’attention dans l’ordinaire d’une « fragilisation » qu’on montre la valeur d’un sentiment, d’une dignité, d’un service. Et cela passe toujours par des gestes, des attitudes, des paroles « ajustés »… Prendre soin de l’autre, c’est accepter sa part de mystère, se résoudre à la part opaque de toute personne. Où en sommes-nous de cette « juste distance » à l’autre ?
  4. Ce qui touche, justement, le cœur de Dieu, c’est notre faiblesse, et c’est pour cela qu’il envoie son Eglise. Il ne s’agit, rien de moins, que de faire valoir un « droit à l’existence », un « droit à l’importance », un « droit aux sans voix », un « droit à la vulnérabilité » et même un « droit à l’oubli ». Dieu est ainsi, et Dieu est ainsi en Jésus. Dieu « prend soin » parce qu’il est bouleversé dans ses entrailles par la misère ou la souffrance de l’homme. Dieu « prend soin » parce qu’il veut sortir l’homme de son obscurcissement sur lui-même, lui redonner la vie là où il pensait l’avoir perdue. « C’est pour cela que Dieu est sorti », comme dit le Pape François. Et on comprend qu’il ne s’agit pas tant de « sortir des sacristies » que de « sortir pour rejoindre l’autre fragilisé ». Et parce que tout commence souvent par une circonstance douloureuse, la prise de conscience en est d’autant plus importante. « Prendre soin », c’est répondre à l’appel de revenir à la vie, de choisir la vie, pour soi, avec l’autre et avec Dieu, tel que l’on est, en cheminant. Pape François : « C’est le cœur de Dieu qui est comme cela. Il ne se lasse pas et il a agi ainsi pendant tant de siècles. /…/ Dieu est toujours vainqueur en amour, il aime et ne sait pas faire autrement ».